• C’était le crépuscule. Le soleil disparut en rougeoyant  à l’horizon d’un  Atlantique qui se serait voulu paradisiaque.

    Libre arbitre, une jolie histoire

    L’arbre mort où se perchaient les vautours à la tombée de la nuit se détachait sur la moire du ciel et de l’océan confondus. Les tentes sanitaires furent soudain englouties dans la brièveté de cette fin de jour tropicale. Le ronron des générateurs couvrit les cris d’oiseaux, les conversations et les plaintes humaines. Le faisceau de lumière des lampadaires ouvrit le bal des insectes  et les arbres projetèrent leurs ombres gigantesques et menaçantes sur la terre battue.

     

    Marie, debout sur le pas de la porte du dispensaire soupira. Elle était exténuée et elle sentait la fatigue s’évacuer par les pieds dans le sol comme si elle avait parcouru des kilomètres. La combinaison stérile était loin d’être idéale pour travailler sous ces latitudes. En novembre, la chaleur est forte, la saison des pluies est terminée depuis longtemps. La jeune fille se laissa tomber sur l’une des chaises de bois de la véranda. Deux femmes et deux enfants avaient été emportés aujourd‘hui malgré les soins prodigués par l’équipe médicale. La mort ici avait le visage sanguinolent d’Ebola. Marie revoyait les grands yeux noyés de sa petite patiente. Terrible instant où la vie quitte le corps et éteint le regard. Immense instant de détresse dans la solitude. La nuit était moite mais Marie frissonnait. Elle  se sentait fiévreuse. On lui avait annoncé aujourd’hui le décès d’un quatrième médecin qui n’avait pas pu être rapatrié à temps. Elle pensa soudain à sa chambre d’étudiante à Bordeaux, à son ami Michel qu’elle avait quitté. Elle lui avait parlé de la mission qu’elle devait accomplir avant de s’engager. Il n’avait pas compris. Ils avaient fait le projet de fonder une famille, d’avoir des enfants. Ils s’étaient quittés tristes et fâchés Sa sacro-sainte mission l’avait emporté sur leur amour et elle s’était envolée pour la Sierra Leone… ce soir Marie sentait ses jambes trembler et ses bras se couvrir de chair de poule. Aujourd’hui, elle avait rencontré la faucheuse dont parlait sa grand-mère. Elle avait affronté ses orbites sans regard et tout simplement, elle avait peur. Une terreur viscérale qui lui fit penser à ses parents dans leur petit pavillon de Saint Médard en Jalles, à sa sœur qui devait être sortie avec ses amis. C’était vendredi. Des larmes silencieuses s’épanouissaient en rosaces humides sur le bois brut de la table de la véranda.

     

    La lumière d’une lampe torche dansait sur le chemin qui conduisait au dispensaire. Marie cassa ses pleurs d’un revers de main mais l’homme était déjà devant elle, témoin de sa faiblesse. Le Docteur Marceau chapeautait l’équipe. Fort d’une expérience de vingt ans sous les tropiques avec Médecins sans Frontières, il devait avoir la cinquantaine. Il rayonnait d’une autorité bienveillante et énergique qui illumine le regard des hommes d’exception.

     

    -      « Alors, Marie, le baptême du feu, on va dire !

     

    -      Docteur, j’ai honte. J’ai envie de me noyer sous une douche de Bétadine. J’ai peur. Le virus est partout. Je ne reverrai jamais la France. J’ai causé tant d’angoisses à ma famille et mon fiancé Michel va me quitter. Je suis si obstinée !

     

    -      Voyons, c’est normal, l’interrompit le médecin. Notre métier est très spécial. C’est une vocation et nous ne sommes que des hommes. C’est pourquoi nous avons peur, comme les soldats au front.

     

    -      Docteur Marceau, j’ai voulu repartir en France, abandonner Médecins sans Frontières quand j’ai vu partir la petite Aminata cet après-midi.

     

    -      Bon Dieu c’est vrai ! Elle n’avait que huit ans et elle est partie seule. Heureusement tu étais là ! Je ne devrais pas blasphémer mais tu vois, même un vieux briscard comme moi n’accepte pas cette fatalité. Attends-moi deux minutes ! »

     

    Le Docteur Marceau disparut dans la chambre qui lui était réservée au dispensaire et resurgit avec deux verres et une bouteille.

     

    -      « Marie, nous sommes le 21 novembre aujourd’hui. Mon ami André, mécanicien avion m’a apporté ceci de l’aéroport de Lungi. Nous allons partager.

     

    -      Du Beaujolais Nouveau ?

     

    -      Mais oui !

     

    -      De France ?

     

    -      Bien sûr, pour nous ce soir la Potion Courage dont nous avons besoin. ».

     

    Pierre Marceau posa les verres sur la table, les remplit de cet élixir de vie. et il commença à parler. Il raconta à Marie comment il avait décidé de quitter la France où il avait laissé sa femme et ses deux fils, lui aussi. Ce n’était plus l’amour magique du début et malgré la grande complicité qui existait entre eux et l’immense tendresse qu’il éprouvait pour elle, il avait fui le quotidien pour se sublimer dans un chemin de vie dédié aux autres. Le typhus qu’il avait attrapé  au Cameroun in y a quelques années n’avait pas réussi à le détourner de sa mission. Aujourd’hui, il combattait Ebola !

     

    Marie buvait les paroles du médecin. Son regard s’attardait sur leurs verres de vin que la lumière du lampadaire nimbait de rubis.

     

    Elle s’étonnait de sa faiblesse. Elle avait envie de pleurer.

     

    Pierre parlait de l’importance de leur présence en Sierra Leone. Ils soulageaient leurs malades. Certains s’en sortaient. En même temps, ils étaient la chaîne humaine qui freinerait la propagation de ce mal redoutable qui, il n’en doutait pas une seconde, risquait de se répandre sur la planète comme une traînée de poudre.

     

    Le calice rubis rougeoyait sur le bois brut. Marie crut  y voir les grands yeux d’Aminata. Elle y lut une prière : « Pars, pars Tantie Docteur, rentre chez toi. Ici, tu vas mourir ! Qui vas-tu pouvoir aider lorsque tu seras de l’autre côté ? »

     

    Pierre continuait à parler de vocation, de rester dans le feu de l’action, de tout donner dans ce combat. Chacun y mettrait une pierre et, au final, la forteresse serait construite. Ce n’était nullement de l’héroïsme mais une prise de conscience de l’importance d’une seule goutte d’eau dans l’océan. Le battement d’aile du papillon… tout ce qui paraissait dérisoire et qui était partie intégrante de l’essentiel.

     

    La peur viscérale qui étreignait Marie la quitta d’un coup. Elle se vit à la croisée des chemins, aux prises avec le ying et le yang de l’existence. Partir, quitter Pierre et son équipe, ses malades, échouer dans le but qu’elle s’était fixée ? Rester, passer outre l’angoisse de Michel, de ses parents ? Elle ne voyait  plus aucune lâcheté dans ce choix. Il lui fallait prendre son courage à deux mains, celui de la décision. Elle  était libre. Le choix lui incombait, à elle et à elle seule, soit d’affronter la redoutable lutte, ou de combattre les reproches de sa conscience. Le Beaujolais Nouveau était terminé. Elle se sentait en paix avec elle même. La nuit lui porterait conseil et guiderait ses pas. Pierre était serein. Il n’avait pas essayé de convaincre la jeune Marie de prendre « la porte étroite » d’André Gide, il avait juste parlé. Il l’avait juste aidée à porter son fardeau jusqu’à la croisée des chemins.

     

    -« Marie, je crois que nous devons aller dormir maintenant.  Une longue journée nous attend. A demain !

     

    - A demain Pierre, merci pour tout ! »

     

     

     

    Le lendemain, Samedi, n’était pas un jour de repos pour l’équipe. Pierre vérifia la combinaison de Marie avant de la laisser entrer sous la tente sanitaire.  A cet instant un avion en partance pour l’Europe survola le camp. Le siège A24, près du hublot, était vide.

     

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  • Au début des années 70, Fran quitte sa famille et son pays pour suivre en Afrique, un étudiant Ghanéen dont elle est éprise. Elle a choisi "La porte étroite" d'André Gide. La Vie Indigo sera pour elle déroutante, merveilleuse, mais difficile... et de cette difficulté, de son adaptation

    La vie indigo  -  Babylone

    La vie indigo  -  Babylone

    , elle ne cessera de se nourrir et de grandir. "Tu traverses le fleuve à la nage et tu entraînes les tiens à ta suite..." lui avait prédit le sorcier vaudou.

    Les vents de la vie la conduisent à Londres, la grande Babylone des chanteurs de reggae, où il faut lutter pour trouver sa place...

    LES ROMANS DE FRAN AYANES SONT EN VENTE ONLINE, SUR LE SITE DE L'EDITEUR EDILIVRE.FR, SUR AMAZON ET SUR D'AUTRES SITES EN VERSION PAPIER ET NUMERIQUE

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  •  

    An Easter Sunday poetry flash :


    FULL MOON

    When the big fat moon
    "shines like a spoon"
    Take time to ponder
    Over the mysteries of life
    Over the hidden truths
    Of death
    Until you hear the whisper
    Of an angel
    Gently rocking your soul
    to serendipity
    Where all questions lie witthout answers,
    as God moves
    in mysterious ways./

    Un éclair de poésie pour le dimanche de Päques :


    PLEINE LUNE

    Lorsque luit l'orbe
    de la lune pleine
    Prends le temps d'apprécier
    Les mystères de la vie
    Les vérités cachées
    de la mort
    Jusqu'à ce que le souffle d'un ange
    Porte doucement ton âme
    vers la sérendipité
    où les questions se posent, sans réponses
    car les voies de Dieu
    sont impénétrables.

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  • Françoise Sabard
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    FULL MOON

    When the big fat moon
    "shines like a spoon"
    Take time to ponder
    Over the mysteries of life
    Over the hidden truths
    Of death
    Until you hear the whisper
    Of an angel
    Gently rocking your soul
    to serendipity
    Where all questions lie witthout answers,
    as God moves
    in mysterious ways./

    PLEINE LUNE

    Lorsque luit l'orbe
    de la lune pleine
    Prends le temps d'apprécier
    Les mystères de la vie
    Les vérités cachées
    de la mort
    Jusqu'à ce que le souffle d'un ange
    Porte doucement ton âme
    vers la sérendipité
    où les questions se posent, sans réponses
    car les voies de Dieu
    sont impénétrables.

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  • TIME

    Ten years
    Ten months
    Ten days
    Yesterday

    Time is a ruthless wizzad
    It slips through your fingers
    Just like a handful of sand on the beach
    Softly, warmly
    It almost feels good between your fingers
    As you sit, watching the ocean eternity.

    Time steals your youth
    Your energy

    Somehow some ambers from the past
    Keep glowing as the sand keeps oozing through your fingers
    Some warm and quiet ambers

    Telling you somehow that
    You have been there
    And hope will burn regret out/

     

    LE TEMPS

     

    Dix ans

    Dix mois

    Dix jours

    Hier

     

    Le temps, magicien sans pitié

    S'enfuit  comme la poignée de sable de la plage,

    Douceur chaude,

    Presque une volupté entre les doigts

    Alors que tu contemples l'éternité de l'océan.

     

    Le temps s'enfuit avec ta jeunesse, ton énergie.

     

    Quelques braises du passé rougeoient encore,

    Alors que file le sable entre tes doigts.

    Quelques tisons témoins, calmes, incandescents,

     

    Qui te disent que oui, tu y étais,

    et que l'espoir réduira en cendres,

    le regret.

     

     

     

    Time

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